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Église russe à Paris : c'est reparti !

Après une polémique, un nouveau projet architectural a été lancé pour le futur sanctuaire orthodoxe. Très contemporain, il se veut moins clinquant.

La boucle va-t-elle être enfin bouclée ? L'ambassadeur de Russie a rendu public vendredi, un nouveau projet pour l'église orthodoxe russe de Paris. Il remplace un premier imaginé par l'architecte Manuel Nunez Yanowsky, qui avait été choisi par un jury mais avait créé une polémique: le bâtiment de Nunez était surmonté de cinq bulbes dorés, dont le plus grand devait s'élever à 27 mètres, sans compter sa croix en surplomb. Il devait être recouvert d'un immense voile en verre ondulant se transformant en façade photovoltaïque. Face aux reproches esthétiques y compris de la part de la Mairie de Paris-, la Fédération de Russie avait retiré, en novembre 2013, sa demande de permis de construire. Et réclamé à l'architecte Jean-Michel Wilmotte, star française qui travaille sur le Grand Moscou, de faire une nouvelle copie.

Le projet de ce dernier est évidemment différent du premier. En pierre blanche de Bourgogne, l'édifice est également très moderne, mais plus élégant, et plus étalé horizontalement. «Nous avons conservé les signes canoniques d'une cathédrale, dont les cinq bulbes, explique Wilmotte. Mais nous les avons imaginés en doré mat, de manière à ce qu'ils ne se repèrent pas de trop de loin». L'édifice sera implanté sur l'ancien site de Méteo France, avenue Rapp, à Paris, un secteur protégé car proche de la tour Eiffel. L'architecte français s'est donc attaché à ce que les bulbes soient moins brillants que le dôme des ­Invalides ou les statues du pont Alexandre-III. Le tout devrait tout de même culminer à 27 mètres de haut.

La nouvelle église s'accompagnera désormais d'un centre culturel et d'une école. Une voie de 115 mètres de long, passant le long du palais de l'Alma fera communiquer la Seine avec l'avenue. Le tout d'allure contemporaine, pourrait transfigurer le quartier, dont certaines zones sont un peu tristes, avec des bâtiments massifs comme celui de l'ambassade de Bulgarie.

Campagne municipale

La Russie, qui tient particulièrement à ce projet porté par Vladimir Poutine, espère que la construction - dont la date n'est pas encore précisée - pourra se dérouler dans une ambiance plus sereine. De fait, le climat politique a changé depuis le lancement officiel du projet, en 2010, parNicolas Sarkozy et Dmitri Medvedev. La majorité présidentielle a changé, et les critiques du maire de Paris, Bertrand Delanoë, devraient être moins virulentes. Au plus haut niveau, il n'est pas question que cet édifice vienne nuire aux relations diplomatiques entre la France et la Russie. Mais cette église orthodoxe pourrait s'inviter dans la campagne municipale du septième arrondissement de Paris. La question de l'architecture religieuse dans une société civile et celle de ses signes extérieurs les plus visibles, plane depuis le début sur cette affaire. «J'espère que le bâtiment sera bien accueilli, il représente un pays et une communauté, tout comme la Grande Mosquée de Paris, l'église protestante américaine ou les grandes ambassades», explique Jean-Michel Wilmotte.

La capitale compte déjà plusieurs églises orthodoxes russes. Par sa taille, la nouvelle devrait tenir la vedette. C'était d'ailleurs le souhait du patriarche de Moscou, Alexis II.

 

Source : Le Figaro

 

La présentation du projet est accessible au public ce week-end, à la résidence de l'ambassadeur de Russie, 79, rue de Grenelle, Paris VIIe. Entrée libre, de 10 heures à 18 heures.

 

Roublev contre Catherine II 
par Gabriel Matzneff (le Point)

À l'époque de la dictature marxiste-léniniste, je ne suis allé qu'une seule fois à l'ambassade russe de la rue de Grenelle : c'était en compagnie d'Elsa Triolet et de Louis Aragon, qui, invités à une réception par l'ambassadeur, m'avaient proposé de les y accompagner. "Cela vous amusera", m'avait dit Aragon. Quant à Elsa Triolet, elle m'y avait, malicieusement, fait observer, sculptés au plafond d'un des salons, de discrets aigles impériaux.

Nonobstant la chute du régime communiste en 1988, je n'y étais jamais retourné. Cependant, le samedi 19 janvier 2014, jour de la Saint-Marius au calendrier papiste et de la Saint-Sava (premier archevêque de Serbie) au calendrier orthodoxe, j'en ai de nouveau franchi les portes. Entre-temps, une nouvelle ambassade russe a été bâtie à l'orée du bois de Boulogne et l'hôtel d'Estrées, construit par Robert de Cotte, le célèbre architecte de Louis XIV, est désormais la résidence de l'ambassadeur.

La rue Daru persiste à dépendre de la juridiction de Constantinople

L'accueillant diplomate avait ces jours-ci invité les orthodoxes parisiens à visiter une exposition qui, située au rez-de-chaussée de l'ambassade, leur permettrait de se faire une idée de ce qu'allait être leur future nouvelle cathédrale. D'où ma présence en ce beau lieu. La maquette et les projets de l'architecte Jean-Michel Wilmotte me plaisent et j'espère qu'ils plairont à l'ensemble des Parisiens.

Nous avions déjà deux cathédrales orthodoxes à Paris : la cathédrale Saint-Alexandre, rue Daru, et la cathédrale Saint-Étienne, rue Georges-Bizet. Nous en aurons donc bientôt une troisième. Quand on considère l'exigüité de l'église des Trois-Saints-Docteurs, rue Pétel, où officie Mgr Nestor, exarque du patriarche de Moscou, on ne peut qu'approuver l'érection d'un nouveau lieu de culte, plus vaste, où les fidèles ne seront pas serrés comme des sardines en boîte.

On peut simultanément regretter, et c'est mon cas, que, lorsque la dictature athée s'est écroulée en 1988 et qu'après soixante-dix ans d'effroyables persécutions l'Église de Russie est sortie des catacombes, a recouvré ses libertés, l'ensemble des paroisses russes de France n'eût pas aussitôt rejoint l'Église mère. Certaines eurent l'intelligence de le faire : ce fut le cas de l'Église russe hors frontières ; cela n'a hélas pas été celui de la rue Daru qui persiste à dépendre de la juridiction du patriarche de Constantinople. Je connais toutes les raisons soutenues par les partisans du statu quo, il n'y en a pas une seule qui tienne la route. Se rattacher au patriarcat de Constantinople dans les années 20-30 du siècle dernier et même, à la rigueur, jusqu'en 1988, c'était compréhensible, défendable. L'Église en Russie était bâillonnée, crucifiée, il fallait que l'Église russe en exil pût s'exprimer librement. Mais voilà plus de vingt-cinq ans que les chrétiens russes peuvent librement prier, évangéliser, créer des paroisses, des hôpitaux, des monastères, publier des livres, s'exprimer dans la presse écrite, à la radio, à la télévision ; voilà plus de vingt-cinq ans que l'Église russe est libre, et libre à un moment où le patriarcat de Constantinople est, lui, au contraire, plus que jamais assujetti au pouvoir hostile d'un gouvernement islamiste.

Quel saint pour cette nouvelle église ?

Consacrée le 11 septembre 1861, la cathédrale Saint-Alexandre dépendait alors du diocèse de Saint-Pétersbourg. Si en 1988, après la parenthèse grecque, elle était revenue à sa source, elle serait aujourd'hui le siège de l'exarque du patriarche de Moscou, et l'Église russe n'aurait eu aucun besoin de construire une nouvelle cathédrale près du pont de l'Alma. Si certains, orthodoxes ou hétérodoxes, sont mécontents de la création de ce nouveau temple, ils n'ont qu'à s'en prendre à ceux qui, à Daru, figés dans leurs préjugés anti-russes, momifiés dans leur hostilité à l'Église mère, se font rouler dans le chocolat, bernés, par les rusés Grecs.

Moi-même, je le confesse, ce projet de nouvelle cathédrale ne m'enthousiasme pas. J'aurais préféré que Mgr Nestor célébrât rue Daru et que le patriarcat de Moscou consacrât son argent au développement de ses paroisses déjà existantes, par exemple l'humble chapelle dédiée à sainte Geneviève et à Notre-Dame-joie-des-affligés qui, au coeur du Quartier latin, témoigne de la dimension universelle, et donc française, de la foi orthodoxe.

Cela dit, puisque cette nouvelle église va bientôt se dresser sur les rives de la Seine, qu'il me soit permis de formuler quelques voeux. En ce début d'année, c'est normal.

Tout d'abord, son nom. À qui va-t-elle être dédiée ? Certains voudraient qu'elle le fût aux nouveaux martyrs de l'Église russe, ces millions de martyrs (1917-1987) qui en 2000 ont été simultanément canonisés par l'Église orthodoxe russe et dont la fête est célébrée le 25 janvier. C'est une excellente idée, mais une autre bonne idée serait de donner à la nouvelle cathédrale le nom d'un saint orthodoxe de la terre de France que vénèrent les Russes, un saint admiré et prié tant en France qu'en Russie. Je pense, par exemple à saint Irénée de Lyon, l'apôtre des Gaules, ou encore à sainte Geneviève, patronne de Paris.

Roublev contre Catherine II

Un autre voeu regarde l'iconostase de la future cathédrale et les icônes qui l'orneront. Il y a la pure tradition iconographique orthodoxe, celle de Roublev et de Théophane le Grec, et il y en a une, boursouflée, profane, qui a vu le jour au XVIIIe siècle sous le règne de Catherine II, grande souveraine qui ne comprenait rien aux icônes et imposa un genre décadent, néo-italien, qui ensuite allait faire florès. Dans l'émigration russe à Paris, certains iconographes ont, au XXe siècle, renoué avec l'art de Roublev, ressuscité la vraie tradition dépouillée, monastique, de l'Église. Je citerai en premier lieu le père Grégoire Krug et Léonide Ouspensky (auteur d'une admirable Théologie de l'icône dont je recommande la lecture), mais il y en a d'autres. J'espère que c'est à des disciples de Krug et d'Ouspensky que sera confiée la tâche de peindre l'iconostase et les icônes de la nouvelle cathédrale, et non à des tenants de l'iconographie saint-sulpicienne qui semble chère à certains ex-soviétiques. Je sais, pour avoir assisté à une réunion de travail sur ce sujet, que tel est aussi le voeu de l'évêque local, Mgr Nestor. J'élève mes prières au ciel pour qu'il soit partagé par Sa Sainteté le patriarche Cyrille Ier, car c'est à lui qu'appartient le choix des artistes.

Cependant, mon voeu essentiel est que cette nouvelle cathédrale ne soit pas une église d'ambassade. Que le centre culturel qui la jouxtera soit russe, c'est naturel et très bien. Quand j'étais adolescent, on étudiait le russe aux Langues O, situées rue de Lille. À présent qu'elles ont déménagé à perpète, je me réjouis que le 7e arrondissement accueille de nouveau un lieu où l'on pourra apprendre à lire Dostoïevski et Akhmatova dans le texte, à découvrir la Russie. Mais l'église, c'est autre chose. Qu'elle soit russe est secondaire. L'important est qu'elle soit orthodoxe et que, dans cette ville déchristianisée qu'est Paris, des êtres en quête de beauté, de liberté, puissent y entendre la voix de l'Évangile, y rencontrer le Christ. 

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